mardi 1 juillet 2014

[Opinion] L’aube du mystique

Impression, soleil levant - Claude Monet, 1973, Paris /

Qu’il serait bon de savoir ce en quoi l’on croit une bonne fois pour toute puis de vivre pleinement sa certitude. Mais à chaque pas vers La Vérité, le but s’éloigne de mille fois la distance.

Aussi, est-il beau de vivre dans la question, humaniste si possible, humain tout du moins. Cette réflexion m’entraîne depuis deux ans sur un chemin spirituel mystique. La date d’origine est sans doute aléatoire : on est la somme de ce que l’on fut, rien n’est parfaitement nouveau.

En fait, la route doit prendre naissance dans la contreculture des années 60’ qui a irriguée et façonnée mon enfance. Des rites initiatiques hippies à la nouvelle vague française, les artefacts remontent à la surface, ils sont sitars apaisantscris déchirantsguitares saturéestragédies modernesrecherche de soirésistance et unité de l’âmepacifisme et combat ordinaire. Plus que tout, pour l’enfant que je fus, l’adulte que je suis, l’esprit est marqué par un idéal spirituel plus que spatial : le voyage initiatique.

Ruban d'argent

Qu’il s’agisse du crépusculaire Dead Man ou d’Easy Rider, je voulais être Fonda, je voulais être Depp, pour ce qu’ils faisaient, pour ce qu’ils voyaient… Ils m’ont marqué pour ce qu’ils pensaient, ce que j’ai découvert bien plus tard. D’abord, suivant la mythologie qui m’habitait, je suis parti, dès que j’ai pu. De Londres à Cuba, puis de Hollande en Egypte, prendre le large, seul avec mes idées, souvent seul avec tous ceux, passionnants, que j’ai rencontrés. Des parenthèses de méditation, d’ouverture, dans le chaos quotidien. C’est en vieillissant qu’on prend conscience de l’apport de son vécu sur sa trajectoire, l’apport des rencontres sur l’égo.


Et puis viennent les expériences littéraires – les primaires : l’espoir noir de Camus ou les tortures de Kafka ; le grand choc : la littérature du Jazz. Entrer dans le tunnel forgé par Kerouac, sur la route, on réalise le poids du rêve sans fin, la vacuité du néant, sa perte si l’on refuse de quitter le ruban. Continuer tout droit, Steinbeck ne fera que confirmer la transformation irréversible du nomade en terre sédentaire. Alors que faire ? Suivre l’étrange ironie des Scott Fitzgerald ? Ressentir la nonchalance des jours de fête, côtoyant la perte du Sunset Boulvard ? Ou s’engouffrer dans l’antre sordide et magnifique d’Allen Ginsberg ? La recherche du beau au cœur de la poubelle. La lumière filtre, même si profond.

Nighthawks - Edward Hopper 1942

Trois mois loin du vacarme de Paris, Nouvelle Zélande, je suis le Stalker. Au retour, j’entre dans une nouvelle ère, celle des grandes communions, du mélange des corps, de l’harmonie des cœurs, même si artificielle. Bienvenue à Amsterdam, au cœur battant de la house, de l’électro, le bonheur se démocratise. C’en est presque risible : est-ce aussi facile ?

On reprend les montagnes russes : On, c’est toujours plus ; moi, c’est toujours plus. On navigue de nom en nom, on se complète : hangars de l’ADE, plages de l’Open Air, trop grand ? L’underground, la promesse des pionniers. Où ? Nulle part. C’est évidant, mais la quête nous maintient en éveil.

On échoue sur une plage, qu’un vénitien ensorcelle, c’est l’heure de la confrontation avec l’irréel, l’heure où le temps s’arrête et où l’on réalise qu’un monde existe sous les paupières. A l’abri du souvenir ébahi de l’instant figé, se construisent les idées de la beauté quotidienne du parcours.

Retour à la simplicité des choses, « regarde Malik » me dit-il. L’éclair est violent, le choc est déchirant : voir la foi effondrée, comprendre le croyant, réaliser sa croyance, elle qui nous porte.

Naviguer du moi vers eux, c’est établir le nous. Se construire un tout, c’est ne pas oublier qu’on le bâtit avant tout sur l’Humain : famille, bien sûr mais il me vient d’autres noms : CandideNana, Yabbie… la construction du psychique au-delà du mythe.

Demain, je pars pour Phnom Penh. Je repars – ami – trop court, trop beau, les sens en émois, je coulerai au pied des temples des folies humaines, j’escaladerai les rizières - sang de la Terre. Surtout, au centre des civilisations, j’avalerai la sève des esprits. Que j’en revienne identique, pourtant changé, ne pensant qu’au présent, au futur et au passé, incapable de voir l'évolution, mais si sûr de son avènement. J’y crois. Je crois.


Pala