vendredi 23 mai 2014

[Arc] Au fil du Mékong

Mékong

Notre voyage commence par une nuit de tempête, sur la côte vietnamienne.

Nous trouvons abris chez un couple de colons français. Ecoutant la propagande coloniale, ils ont lâché leur vie d’enseignants en Métropole pour venir s’établir en Indochine. Las, la terre qu’on leur a donnée est impropre à la culture, sujette aux inondations. Ils sont ruinés, bien en peine pour s’occuper de leur fille, la jeune Margueritte, qui, plus tard, portera un regard cynique et désabusé sur le prétendu « civilisateur occidental » qui a laissé mourir sa famille et tenter de tuer un peuple. Elle relatera son enfance dans une nouvelle nommée Un barrage contre le pacifique.

La tempête se calme, on reprend notre route. Nouvelle région, nouvelle époque : près de Vinh Long, nous assistons à un spectacle qui nous retourne les tripes : les cadavres de marines jonchent le sol, un survivant regagne l’Amérique. Pourtant, les atrocités de la guerre le poursuivent où qu’il aille, déformant horriblement sa réalité, déchainant des visions paranoïaques. Tandis qu’il sombre dans la folie, il réalise que son bataillon a été drogué par son propre commandement. La descente hallucinée de cet homme est raconté par L’Echelle de Jacob, un film d’Adrian Lyne.

Silent Hill
Rendre l'horreur de la guerre loin du front

C’est chancelant que nous remontons dans la barque, nous repensons aux protestations qu’avaient entrainés ce conflit, nous sifflons l’air de l’Hymne National des USA torturés par la guitare d’Hendrix, à Woodstock.

Dans la soirée nous arrivons à Tân Chau, porte du Cambodge. Trop tard pour continuer et notre ventre cri famine. Nous décidons de nous ravitailler sur l’une des nombreuses barges qui recouvrent le fleuve. Le Phô que nous y mangeons nous rappelle notre lointain quotidien parisien, lorsque nous allions au Phô 13, avenue de Choisy, ou dans l’un des nombreux restaurants du quartier, découvert sur Yelp.

Le lendemain, c’est sur le morceau techno Dirty Sound, du dj argentin Cambodia que nous passons la frontière. Sur les berges Khmer, on aperçoit les restes d’un temple. Cette architecture, nous l’avons découvert au Musée Guimet, le musée des cultures asiatiques de la capitale : un des plus beaux musées de Paris. Notre esprit vogue vers l’époque glorieuse d’Angkor, la fiction se mélange au Ballet traditionnel vu il y a un mois (une éternité), Salle Pleyel.

Ballet traditionnel cambodgien

L’après-midi a depuis longtemps fait oublier la relative fraicheur matinale, nous suffoquons dans le climat moite des moussons. Heureusement, Phnom Penh est en vue. Tandis que nous approchons des autres embarcations, pour rejoindre la terre, nous frissonnons en imaginant la ville vidée de ses deux millions d’habitants en cette même période ingrate par la folie de Pol Pot et des Khmer Rouge. Devant nos yeux, repasse L’Histoire terrible et inachevée de Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge, que nous avions vu en octobre dernier, au Théâtre du Soleil. Une merveilleuse fresque de 7h, jouée à la perfection par une troupe Khmer, en Khmer et qui nous avait fait découvrir cette histoire.

Sihanouk
Une pièce d'Hélène Cixous

Les rues de Phnom Penh sont bondées, nous cherchons longtemps nos amis, mais ce sont finalement eux qui nous aperçoivent. Notre épuisement n’est pas à la hauteur de notre joie, ensemble, nous nous éloignons dans les ruelles : place au réel.


Pala