Ambiance, ambiance... |
Il arrive parfois que les événements
donnent tellement raison à un film qu’on s’étonne qu’ils lui aient succédé.
Dans cette catégorie, Stalker est un cas
d’école.
En 1979, Andreï Tarkovski est en
froid avec l’URSS. Limité financièrement depuis Le Miroir,
il devra compter sur le soutien de la RFA pour réaliser son nouveau film :
un parcours initiatique de 2h43,
fortement empreint du mysticisme propre à son réalisateur.
L’histoire se déroule dans un
monde parallèle où une catastrophe inconnue (une météorite ?) a
dévasté et contaminé une région, renommée la Zone. Celle-ci est désormais
déserte et en quarantaine. Une légende prétend qu’une Chambre, au centre de la
Zone, permettrait de réaliser son vœu le
plus cher. Mais pour entrer dans la Zone et y survivre, il faut s’adjoindre les
services d’un Stalker, sorte de passeur et de guide.
Passage surveillé |
Le film débute lorsqu’un Stalker
décide de conduire un écrivain et un physicien à la Chambre. Plongés dans la
Zone hostile et abandonnée, Les trois voyageurs – qui sont des archétypes de la
Science, la Littérature et la Foi – remettront en question leurs certitudes et
révéleront leurs vrais visages, au-delà du
masque social. Finalement, ils découvriront que la Zone n’est pas magique et
que tous ont été bernés par la Foi irrationnelle et la recherche de la réussite sociale
(Nobel pour le physicien, succès pour l’écrivain et image de Sauveur pour le
Stalker) et non de la sagesse.
La Science, la Foi et la Littérature |
La force de ce film réside essentiellement
dans sa réalisation et ses décors. Chaque environnement bénéficie d’une
ambiance travaillée : brume et lumière pour conserver une part de mystère
dans les scènes
d’extérieur; obscurité et bruits souterrains pour créer un sentiment
d’oppression en intérieur.
Les longs travellings
très lents et l’importance du hors-champ renforcent le sentiment
d’insécurité en suggérant le danger. Enfin, plusieurs
procédés permettent d’exprimer les émotions : les plan long sur les
personnages face caméra, ou l’emploi du sépia lorsque le Stalker n’aime pas
l’endroit où il est et de la couleur lorsqu’il juge être à sa place (dans la
Zone et avec sa fille).
En résulte un film angoissant et
évocateur, autour du message principal : le danger du nucléaire. En effet,
la croyance de la météorite ne tient pas l’épreuve du film. Tout la contredit :
les projectiles qu’envoi le Stalker en amont de son passage laissent
supposés qu’il traverse un champ de mines ; Le Stalker est contaminé et sa
fille née handicapée… finalement, le long plan de fin sur la centrale nucléaire,
lève les derniers doutes sur l’intention de Tarkovski.
Et c’est là le génie du
film : avoir réussi à filmer les conséquences
de Tchernobyl, dans des décors très similaires à ceux
observable aujourd’hui, en prédisant même le
tourisme de la Zone, mais 7 ans AVANT la catastrophe.
Aujourd’hui, de nombreuses œuvres
font référence à Stalker – par
exemple, le jeu-vidéo
S.T.A.L.K.E.R – tant il demeure un objet à l’ambiance unique ainsi qu’une
intéressante réflexion sur les dérives du progrès et la condition de l’Homme
au-delà de la civilisation.
Pala