Qu’il serait bon de savoir ce en quoi l’on croit une bonne fois pour toute puis
de vivre pleinement sa certitude. Mais à chaque pas vers La Vérité, le but
s’éloigne de mille fois la distance.
Aussi, est-il beau de vivre dans la question, humaniste si possible, humain
tout du moins. Cette réflexion m’entraîne depuis deux ans sur un chemin
spirituel mystique. La date d’origine est sans doute aléatoire : on est la
somme de ce que l’on fut, rien n’est parfaitement nouveau.
Qu’il s’agisse du crépusculaire Dead Man ou
d’Easy Rider, je voulais être Fonda,
je voulais être Depp, pour ce qu’ils faisaient, pour ce qu’ils
voyaient… Ils m’ont marqué pour ce qu’ils pensaient, ce que j’ai découvert bien
plus tard. D’abord, suivant la mythologie qui m’habitait, je suis parti, dès
que j’ai pu. De Londres à Cuba,
puis de Hollande en Egypte, prendre le large, seul avec mes idées,
souvent seul avec tous ceux, passionnants, que j’ai rencontrés. Des parenthèses
de méditation, d’ouverture, dans le chaos quotidien. C’est en vieillissant
qu’on prend conscience de l’apport de son vécu sur sa trajectoire, l’apport des
rencontres sur l’égo.
Et puis viennent les expériences littéraires – les primaires : l’espoir noir de Camus ou les
tortures de Kafka ; le grand choc : la littérature du Jazz. Entrer dans le tunnel
forgé par Kerouac, sur la route, on réalise le poids du
rêve sans fin, la vacuité du néant, sa perte si l’on refuse de quitter le
ruban. Continuer tout droit, Steinbeck ne
fera que confirmer la transformation irréversible du nomade en terre
sédentaire. Alors que faire ? Suivre l’étrange ironie des Scott Fitzgerald ? Ressentir la nonchalance
des jours de fête, côtoyant la perte du Sunset
Boulvard ? Ou s’engouffrer dans l’antre sordide et magnifique
d’Allen Ginsberg ? La recherche du beau au
cœur de la poubelle. La lumière filtre, même si profond.
Trois mois loin du vacarme de Paris, Nouvelle Zélande, je suis le Stalker. Au retour, j’entre dans une nouvelle
ère, celle des grandes communions, du mélange des corps, de
l’harmonie des cœurs, même si artificielle. Bienvenue à Amsterdam, au cœur
battant de la house, de l’électro, le bonheur se démocratise. C’en est presque
risible : est-ce aussi facile ?
On reprend les montagnes russes : On, c’est toujours plus ; moi,
c’est toujours plus. On navigue de nom en nom, on se complète : hangars de
l’ADE,
plages de l’Open
Air, trop grand ? L’underground, la promesse des pionniers.
Où ? Nulle part. C’est évidant, mais la quête nous maintient en éveil.
On échoue sur une plage, qu’un vénitien ensorcelle, c’est
l’heure de la confrontation avec l’irréel, l’heure où le temps s’arrête et où
l’on réalise qu’un monde existe sous les paupières. A l’abri du souvenir ébahi
de l’instant figé, se construisent les idées de la beauté quotidienne du parcours.
Retour à la simplicité des choses, « regarde Malik » me dit-il. L’éclair est
violent, le choc est déchirant : voir la foi effondrée, comprendre le
croyant, réaliser sa croyance, elle qui nous porte.
Naviguer du moi vers eux, c’est établir le nous. Se construire un tout,
c’est ne pas oublier qu’on le bâtit avant tout sur l’Humain : famille, bien
sûr mais il me vient d’autres noms : Candide, Nana,
Yabbie… la construction du psychique au-delà du mythe.
Demain, je pars pour Phnom Penh. Je repars – ami – trop court, trop
beau, les sens en émois, je coulerai au pied des temples des folies humaines,
j’escaladerai les rizières - sang de la Terre. Surtout, au centre des
civilisations, j’avalerai la sève des esprits. Que j’en revienne identique,
pourtant changé, ne pensant qu’au présent, au futur et au passé, incapable de
voir l'évolution, mais si sûr de son avènement. J’y crois. Je crois.
Pala