Notre voyage commence par une
nuit de tempête, sur la côte vietnamienne.
Nous trouvons abris chez un couple
de colons français. Ecoutant la propagande coloniale, ils ont lâché leur vie d’enseignants
en Métropole pour venir s’établir en Indochine. Las, la terre qu’on leur a donnée
est impropre à la culture, sujette aux inondations. Ils sont ruinés, bien en peine
pour s’occuper de leur fille, la jeune Margueritte,
qui, plus tard, portera un regard cynique et désabusé sur le prétendu « civilisateur
occidental » qui a laissé mourir sa famille et tenter de tuer un peuple.
Elle relatera son enfance dans une nouvelle nommée Un
barrage contre le pacifique.
La tempête se calme, on reprend
notre route. Nouvelle région, nouvelle époque : près de Vinh
Long, nous assistons à un spectacle qui nous retourne les tripes : les
cadavres de marines jonchent le sol, un survivant regagne l’Amérique. Pourtant,
les atrocités de la guerre le poursuivent où qu’il aille, déformant
horriblement sa réalité, déchainant des visions paranoïaques. Tandis qu’il
sombre dans la folie, il réalise que son bataillon a été drogué par son propre
commandement. La descente hallucinée de cet homme est raconté par L’Echelle de Jacob, un
film d’Adrian Lyne.
Rendre l'horreur de la guerre loin du front |
C’est chancelant que nous
remontons dans la barque, nous repensons aux protestations qu’avaient entrainés
ce conflit, nous sifflons l’air de l’Hymne National des USA torturés
par la guitare d’Hendrix, à Woodstock.
Dans la soirée nous arrivons à Tân
Chau, porte du Cambodge. Trop tard pour continuer et notre ventre cri
famine. Nous décidons de nous ravitailler sur l’une des nombreuses barges qui
recouvrent le fleuve. Le Phô
que nous y mangeons nous rappelle notre lointain quotidien parisien, lorsque
nous allions au Phô 13,
avenue de Choisy, ou dans l’un des nombreux restaurants du quartier, découvert
sur Yelp.
Le lendemain, c’est sur le
morceau techno Dirty Sound,
du dj argentin Cambodia que
nous passons la frontière. Sur les berges Khmer, on aperçoit les restes d’un
temple. Cette architecture, nous l’avons découvert au Musée
Guimet, le musée des cultures asiatiques de la capitale : un des plus
beaux musées de Paris. Notre esprit vogue vers l’époque glorieuse d’Angkor, la fiction se
mélange au Ballet
traditionnel vu il y a un mois (une éternité), Salle Pleyel.
Ballet traditionnel cambodgien
L’après-midi a depuis longtemps
fait oublier la relative fraicheur matinale, nous suffoquons dans le climat moite
des moussons. Heureusement, Phnom
Penh est en vue. Tandis que nous approchons des autres embarcations, pour
rejoindre la terre, nous frissonnons en imaginant la ville vidée de ses deux
millions d’habitants en cette même période ingrate par la folie de Pol Pot et des Khmer Rouge.
Devant nos yeux, repasse L’Histoire terrible et inachevée
de Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge, que nous avions vu en octobre
dernier, au Théâtre
du Soleil. Une merveilleuse fresque de 7h,
jouée à la perfection par une troupe Khmer, en Khmer et qui nous avait fait
découvrir cette histoire.
Une pièce d'Hélène Cixous |
Les rues de Phnom Penh sont
bondées, nous cherchons longtemps nos amis, mais ce sont finalement eux qui
nous aperçoivent. Notre épuisement n’est pas à la hauteur de notre joie,
ensemble, nous nous éloignons dans les ruelles : place au réel.
Pala