mercredi 30 avril 2014

[Critique] Stalker – La prophétie de l’homme ivre

Dune
Ambiance, ambiance...

Il arrive parfois que les événements donnent tellement raison à un film qu’on s’étonne qu’ils lui aient succédé. Dans cette catégorie, Stalker est un cas d’école.


En 1979, Andreï Tarkovski est en froid avec l’URSS. Limité financièrement depuis Le Miroir, il devra compter sur le soutien de la RFA pour réaliser son nouveau film : un parcours initiatique de 2h43,  fortement empreint du mysticisme propre à son réalisateur.

L’histoire se déroule dans un monde parallèle où une catastrophe inconnue (une météorite ?) a dévasté et contaminé une région, renommée la Zone. Celle-ci est désormais déserte et en quarantaine. Une légende prétend qu’une Chambre, au centre de la Zone,  permettrait de réaliser son vœu le plus cher. Mais pour entrer dans la Zone et y survivre, il faut s’adjoindre les services d’un Stalker, sorte de passeur et de guide.

Passage
Passage surveillé

Le film débute lorsqu’un Stalker décide de conduire un écrivain et un physicien à la Chambre. Plongés dans la Zone hostile et abandonnée, Les trois voyageurs – qui sont des archétypes de la Science, la Littérature et la Foi – remettront en question leurs certitudes et révéleront leurs vrais visages, au-delà du masque social. Finalement, ils découvriront que la Zone n’est pas magique et que tous ont été bernés par la Foi irrationnelle et la recherche de la réussite sociale (Nobel pour le physicien, succès pour l’écrivain et image de Sauveur pour le Stalker) et non de la sagesse.

La société
La Science, la Foi et la Littérature

La force de ce film réside essentiellement dans sa réalisation et ses décors. Chaque environnement bénéficie d’une ambiance travaillée : brume et lumière pour conserver une part de mystère dans les scènes d’extérieur; obscurité et bruits souterrains pour créer un sentiment d’oppression en intérieur. Les longs travellings très lents et l’importance du hors-champ renforcent le sentiment d’insécurité en suggérant le danger. Enfin, plusieurs procédés permettent d’exprimer les émotions : les plan long sur les personnages face caméra, ou l’emploi du sépia lorsque le Stalker n’aime pas l’endroit où il est et de la couleur lorsqu’il juge être à sa place (dans la Zone et avec sa fille).


En résulte un film angoissant et évocateur, autour du message principal : le danger du nucléaire. En effet, la croyance de la météorite ne tient pas l’épreuve du film. Tout la contredit : les projectiles qu’envoi le Stalker en amont de son passage laissent supposés qu’il traverse un champ de mines ; Le Stalker est contaminé et sa fille née handicapée… finalement, le long plan de fin sur la centrale nucléaire, lève les derniers doutes sur l’intention de Tarkovski.

Et c’est là le génie du film : avoir réussi à filmer les conséquences de Tchernobyl, dans des décors très similaires à ceux observable aujourd’hui, en prédisant même le tourisme de la Zone, mais 7 ans AVANT la catastrophe.

Aujourd’hui, de nombreuses œuvres font référence à Stalker – par exemple, le jeu-vidéo S.T.A.L.K.E.R – tant il demeure un objet à l’ambiance unique ainsi qu’une intéressante réflexion sur les dérives du progrès et la condition de l’Homme au-delà de la civilisation.

Pala