Il y a des jours où je n’ai
clairement pas les moyens de mes ambitions. Ainsi, le film dont je veux vous
parler aujourd'hui – quand bien même j’arriverai à vous convaincre de le
regarder – n’existe pas !
Ou bien si, il existe, chez moi
et peut-être dans les archives de l’INA. Bref, c’est un objet en voie d’extinction
que j'essayerai de confier à qui de droit. Surtout que ma
version est une copie DVD d’une vieille VHS d’une diffusion TV analogique :
Bref, adieux HD, Hifi, et bonjours La Bête dans la Jungle !
Tirée d’une nouvelle d’Henri James, adaptée en pièce de théâtre par James Lord et finalisée par
Margueritte Duras, La Bête dans la Jungle
raconte l’histoire de John, un homme vivant dans l’attente d’un événement
marquant qu’il pressent devoir influencer sa vie et de Catherine, seule à
connaître le secret de John.
Catherine aime John et sans doute
cela est réciproque. Mais dans la crainte de rater sa destinée, John refusera de
céder à ses avances. Rien d’extraordinaire ne marquera sa vie,
et pourtant… devenu vieillard, après la mort de Catherine, il réalisera que l’événement
– cette bête tapie dans la jungle – était sa rencontre avec Catherine, son
amour qu’il n’a pas su saisir.
La pièce fut interprétée à partir de 1962, puis dans sa version définitive, en 1981, par Sami Frey et Delphine Seyrig, suivant une mise en scène d'Alfredo Arias, accompagné par le
pianiste et compositeur Carlos D’Alessio.
Tourné en 1988, La Bête dans la Jungle est un téléfilm
de Benoit Jacquot réalisé d'après la mise en scène d'Arias. Le film est autant une représentation théâtrale filmée qu'une véritable œuvre cinématographique.
Cela est dû – premièrement – à l’excellente
gestion de la caméra par Jacquot. Les plans sont dynamiques, opportuns
et bien chronométrés (à part ceux sur Carlos d’Alessio – généralement en
travelling trop rapide).
Ensuite, le décor de l’œuvre est bluffant.
Il s’agit d’une reproduction épurée d’une pièce de château à colonnades, avec
notamment une colonne à l’avant de la scène et une pièce annexe qui permettront
de nombreux hors-champ contribuant à dynamiser la vidéo. De plus, la lumière
impressionne et crée parfois des compositions proches de peintures flamandes.
Enfin, la bande son du
compositeur Carlos d’Alessio – habitué du cinéma (India Song, Delicatessen…)
– permet de classer définitivement l’œuvre dans la catégorie « film »
autant que « pièce de théâtre ».
Tous ces éléments de mise en scène
font de La Bête dans la Jungle la
pièce de théâtre filmée la plus impressionnante qu’il m’ait été donné de voir,
tant elle devient un véritable film. Au-delà de cette caractéristique, il s’agit
d’une œuvre à l’esthétique très léchée, dans la droite ligne de l’Année dernière à Marienbad ou India Song. Les acteurs sont sans faille
et servent parfaitement des propos simples mais universels : ceux de la fin des
illusions et de la crainte de passer à côté de sa vie.
Pala