Qu’y a-t-il de plus commun que l’expression
« c’était mieux avant » ? Nous vivons une période de récession,
les jeunes ont perdus
toutes valeurs morales, l’art s’appauvri, on
court vers un nouveau conflit mondial, la science est dévoyée et il n’y a plus
de saisons (ma bonne dame).
Face à un tel constat, il est raisonnable de baisser les bras et de cultiver une fort-légitime misanthropie (cadeau) pour le cancer qu’est l’Humanité.
En regardant l’Histoire avec un
peu d’objectivité, il advient pourtant qu’on réalise que rien ne fut mieux
avant – spécialement en Occident – et que rien n’eut l’air mieux avant. Que ce
soit la Bible ou Baudelaire :
le sentiment de l’abandon des « vrais valeurs » et de l’appauvrissement
de l’Humanité existe depuis toujours (c’est l’un des sens métaphorique du mythe d’Eden : l’Homme
ne vécut heureux qu’au commencement).
Sorbet au sang : rien de mieux pendant la canicule |
Il est vrai que – si l’on suit la
théorie de « l’Âge
d’Or » selon laquelle l’Humanité alterne des périodes d’obscurantisme et des
périodes d’apogées – nous quittons actuellement l’apogée. Cependant nous n’avons
pas encore atteint l’obscurantisme et l’actualité des sciences et des arts
reste passionnante pour peu qu’on s’y intéresse : explosion de la
musique électronique, découverte
spatiale, thérapie
cellulaire : demain excite et aujourd’hui intrigue ! Aussi
faut-il relativiser le poids du temps, au risque d’arrêter de vivre.
Voilà les réflexions soulevées par
le dernier film de Jim Jarmusch
– Only Lovers Left
Alive : un film romantique
(au sens littéraire) et
rock (au sens musical)
sur un couple de vampire des temps modernes errant entre Detroit et
Tanger.
Mille et une nuit |
Jarmusch replace
le mythe fascinant du vampire
à sa juste valeur. Ni costumes du 18ème siècle, ni mièvreries
adolescentes : les êtres dont il est question ont vécu l’Histoire, l’ont
influencée : ils sont matures, désabusés, érudits.
Lui, Adam (quand je vous parlais
du mythe d’Eden) vit reclus dans Détroit, ville morte, ancien fleuron industriel
de la superpuissance américaine aujourd’hui en crise. Elle, Eve, vit à Tanger, ville
pauvre mais vivante en plein renouveau. Lui est dégoûté des « zombis » -
les humains – dont il méprise la bassesse. Il vit reclus, ne sortant que
pour récupérer du sang à l’hôpital, composant des musiques dont personne ne
profite plus. Elle sort, dance, vie dans le présent (nocturne, il va de soi).
Bande de Hipster |
Elle va le convaincre de
reprendre goût à la vie, ensemble, ils vont voir – nous allons voir – que les « zombis »
peuvent vivre, être bons et doués, que les vampires peuvent être vaniteux,
futiles.
Ce film est un film d’errance, en
cela que les héros n’accomplissent pas de grandes évolutions en deux heures de
temps, cela ne fait pas moins progresser le spectateur : Only Lovers Left Alive montre la beauté des choses dans ce
que nous considérons communément comme repoussant (nuit, bas-fonds, ruines
urbaines, crise…). La réalisation de toute beauté et la
musique envoutante viennent compléter une fresque romantique magistrale, le
plus beau film qu’il m’ait été donné de voir traitant de vampire.
Pala.