On peut briser un Homme, on ne brise pas un Peuple. Combien ont cru
leur emprise éternelle ? Combien ont posé leurs pieds sur le dos de leurs
semblables infériorisés ? Combien n’en ont jamais subit les conséquences ?
Quel empire a résisté au temps ? Quelle hégémonie n’a pas rejoint les livres
d’Histoire ?
L’Occident s’assoit sur le dos du Monde le pillant, imposant son
modèle. Pourtant, le gant de fer se fissure : d’autres peuples demandent
justice et l’auront tôt ou tard. Sans doute referont-ils les erreurs de leurs
aînés.
Ainsi, en 2013, Only God
Forgives – sans doute le meilleur film de Nicolas Winding Refn – m’avait
subjugué. A son atmosphère et sa gestion lancinante de la tension venait s’ajouter
son esthétique quasiment symphonique, de par l’utilisation d’une gamme pentatonique
de couleurs saturées (rouge, jaune, bleu, blanc, vert par ordre d’importance).
Immédiatement, les images du film avaient influencées ma mythologie asiatique
avec une force équivalente à un Kurosawa ou à un Park Chan-wook. Enfin, les
acteurs sont dirigés à la perfection (notamment Gosling, qui – dans un registre
proche de son jeu dans Drive –
réussit, ici, à transmette l’impuissance et la peur de son personnage).
Le Karaoké, tellement bien vu (j'avais pas noté la dédicace) |
Cependant, le propos du film s’était dilué dans mon esprit et si
je me souvenais encore de la destruction du Beau et du complexe d’Œdipe, j’avais,
en revanche, oublié la trame générale.
Et puis je suis allé en Asie et j’ai vu Phnom-Penh. Alors, l’Asie
s’est matérialisée devant moi : une fourmilière dantesque,
incompréhensible, frénétique… l’Asie m’a paru fier, forte, vivante,
indépendante. Seulement, j’ai aussi vu, à Phnom-Penh, des bordels à ciel
ouvert, des shorts-marcels qui salissent et vomissent la prétendue crasse
ambiante, des cadres occidentaux, des stigmates néocoloniaux. L’Occident sur le
dos de l’Orient.
Alors, à mon retour, lorsque j’ai revu OGF, j’ai compris ce que me disait Winding Refn. Son dernier film n’est
pas dans la lignée de Drive – raison
de son faible succès – mais de Valhalla Rising.
Justice? Exécutive |
Les deux œuvres ont en commun l’ambiance, la violence visuelle et
morale, la structure de quête initiatique et surtout, la confrontation de deux
Mondes : l’un conquérant, l’autre conquis. Dans les deux films, le conquis
s’émancipera et poussera le conquérant à expier ses pêchés au prix de sa propre
souillure et de la perte de son discernement. Dans OGF, le policier asiatique, juste et incorruptible, éliminera le violeur
(le frère de Gosling) et le despote (la mère) occidentaux, mais, incapable de refréner son
envie de vengeance, il sombrera dans l’excès de violence et punira Gosling au-delà
de son crime (celui d’avoir laissé faire).
Juste parce qu'il serait dommage de conclure sans un photo de Gosling |
Ainsi, les victimes ne sont pas meilleures que leur bourreaux et
peuvent devenir tortionnaires à leur tour si elles en ont les moyens. Only God Forgives est désabusé, dépressif
et nihiliste mais sa puissance démonstrative emporte tout sur son passage. A
défaut d’approuver ce message, il n’en est pas moins traité avec maestria et
invite à la réflexion pour qui a les bonnes clés de lecture.
Pala