Du
11 au 20 juin 2015, à la Maison de la Culture du Japon à Paris, la compagnie de butô contemporain Dairakudakan présente La planète des insectes, sous la
direction de son directeur artistique, chorégraphe et danseur, Akaji Maro – un
spectacle d’une heure et demie à mi-chemin entre 1001 pattes et Le meilleur des Mondes. J’ai vu ce spectacle le 18 juin, il s’agissait de ma première
expérience de butô : rapport !
La
danse butô a été inventée au début des années 60, en réaction au traumatisme de
la bombe. Il s’agit de performances initialement exécutées par des danseurs
masculins recouverts de poudre blanche (des cendres). Les expressions
corporelles et faciales des performeurs sont exacerbées, dans la tradition du
théâtre Kabuki ou Nô… et plus généralement, de l’ensemble de la
production culturelle japonaise (des estampes traditionnelles à une grande part
des mangas modernes en passant par le jeu des acteurs du cinéma de Kurosawa).
Akaji Maro est un des monuments du butô, aujourd'hui âgé de 72 ans, il a participé à
réinventer le genre, en y ajoutant des costumes, une mise en scène plus
complexe (plus kitsch) et moins dépouillées, des musiques modernes (le compositeur
de La planète des insectes n’est
autre que le DJ Jeff Mills) et en introduisant des danseuses.
Cependant, le principal scandale dont il est à l’origine a été de recouvrir ses
danseurs de paillettes dorées au lieu de la cendre blanche traditionnelle. Cela
lui a valu une exclusion temporaire de l’école butô.
Maro apparaît
également dans Kill Bill, de Quentin Tarantino et l'Eté de Kikujiro, de
Takeshi Kitano. Il joue également dans Suicide Club et Soseiji, deux films de
genre qui donnent une bonne idée des pensées du personnage et des tourments de
son art.
Car
ce qui saute aux yeux, lorsqu'on assiste à un spectacle de butô, c'est la
torture des corps, chaque anatomies est magnifiées par le maquillage qui souligne
les muscles mis à nu. Les membres se tordent, les yeux se révulsent, les
langues apparaissent rouge sang, les bouches s’ouvrent, béantes : ces
danseurs sont beaux ! Et, quoi que la scène d’introduction de La planète des insectes – où les acteurs
sont habillés – soit une des plus percutantes, plus les danseurs sont nues,
plus ils sont beaux.
Malgré cette déstructuration apparente du corps, le butô est une danse
maîtrisée. Les danseurs jouent un rôle qui fait sens. Le propos de la pièce (la
déshumanisation, la rupture du refoulement du soi, le rapport homme-fourmis…) n’est
pas altéré par la grandiloquence des mouvements.
Finalement,
j’ai pris un pied monstre pour ce premier spectacle et malgré quelques soucis de
rythme et un ou deux moments trop kitsch à mon goût (le combat entre cigales et
fourmis est presque cartoonesques). Il s’agissait surement d’une excellente
introduction à cette danse subtile mais sans concession. Si vous le pouvez,
allez voir La planète des insectes,
allez voir Akaji Maro, allez voir du butô, allez voir de la danse et avant tout, dansez!
Ah, hier, Jeff Miles était présent pour son anniversaire. Joyeux anniversaire à lui et merci pour la bande son presque parfaite et délicieusement industrielle.
Amour,
Pala